Dans son nouveau long métrage, qui met en vedette Hélène Florent et Martin Dubreuil, le réalisateur Bernard Émond a décidé d’adapter une nouvelle de l’auteur italien nobélisé Luigi Pirandello. Une démarche qui s’inscrit résolument à contre-courant des superproductions hollywoodiennes. Explications.
Adapté de Pena di vivere cosi (Toute la vie, le cœur en peine), le long métrage suit Rose Lemay (Hélène Florent), une Trifluvienne des années 1930, qui accepte de revoir son mari, Paul-Émile Lemay (Martin Dubreuil), puis de l’héberger avec ses trois filles, après la mort de sa maîtresse avec laquelle il s’était enfui.
«J’avais envie, depuis longtemps, de tourner à Trois-Rivières, a indiqué Bernard Émond lors d’une entrevue, à quelques semaines de la sortie du film dans les salles de la province. C’était l’une des plus grandes villes industrielles du Canada et se trouvait, à Trois-Rivières, la plus grande usine de papier au monde, la CIP dont on a aujourd’hui fait disparaître tous les bâtiments et qui employait, à l’époque, plus de 12 000 hommes. C’était énorme.»
La confusion…
«Cette idée me travaillait. Car c’était à la fois une ville bourgeoise – c’est la ville de Maurice Duplessis – et, en même temps, c’était une grande ville ouvrière. Et il y a tout l’arrière-pays aussi. M. Lemay est le fils d’un “jobbeur”, c’est-à-dire un entrepreneur dans les forêts, il sort littéralement du bois.»
Portrait de Bernard Émond, Martin Dubreuil et Hélène Florent pour la sortie du film «Une femme respectable», de Bernard Émond, au château Versailles, à Montréal, le jeudi 3 août 2023.
Photo Agence QMI / Joël Lemay
Avec cette toile de fond, Émond campe résolument l’affrontement entre les deux personnages comme une lutte de classes sociales.
«Ça me plaisait bien parce qu’on connaît tous des histoires de filles de bonne famille qui sont tombées amoureuses de bums, c’est un classique. Ça ne finit pas toujours mal, mais souvent. Ce qui m’intéressait aussi, c’est que c’est à la fois une histoire d’amour et une histoire de pouvoir», a-t-il indiqué.
Sur le plateau, un seul mot d’ordre pour les acteurs: la confusion des sentiments et des intentions. «J’avais dit aux acteurs que la chose la plus importante était que leurs personnages ne savent pas ce qu’ils veulent, ils sont dans la confusion. Pourquoi revient-il? Pour le confort? Parce qu’il va caser ses filles? Ce qui est clair, c’est qu’il la désire encore. Et elle? Elle veut cet homme. Elle ne couchera jamais avec lui. Le désir est apparent dans le film. J’ai voulu faire un film précis sur la confusion des sentiments.»
Avec Une femme respectable, Bernard Émond prend le temps. De camper ses personnages, de les observer, de les décrire, d’examiner leurs contradictions, leurs doutes et leurs hésitations.
«Je sais que je suis en dehors de mon époque. J’ai une productrice qui me soutient depuis 30 ans. Je ne peux pas faire autre chose que ce que je fais. J’ai eu le privilège de faire les films que j’ai voulus. Je sais que je ne suis pas de mon temps. Est-ce que c’était mieux avant? Oui, même si on n’a pas le droit de le dire. Je ne suis pas nostalgique parce que je sais qu’on n’y retournera pas.»
À 72 ans, Bernard Émond – dont on pourrait dire, toutes proportions gardées, qu’il est notre équivalent de Clint Eastwood, même s’il a publié un recueil de nouvelles l’an dernier – poursuit les mêmes thèmes au travers de son œuvre. «Mes films sont une conversation entre cinéaste, comédiens et spectateurs intelligents. Et ça, c’est formidable. On est entre adultes responsables.»
Mais, comme il l’a indiqué, «pour la première fois de ma vie, je termine un film sans que le scénario du prochain soit écrit. C’est bien possiblement mon dernier film. Pour moi, ça devient difficile de courir après le financement. Comprenez-moi bien, je ne suis pas en train de me plaindre. Mais je trouve ça de plus en plus difficile de constater que le genre de cinéma que je veux faire attire moins l’intérêt des organismes de financement.»
Une femme respectable arrive dans les salles de la province le 18 août.
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